Après toutes mes péripéties livresques, il était temps de revenir à mes premières amours : le blog. Parce que c’est tout simplement comme ça que tout a commencé pour moi.
Et comme on commence justement toujours par le début, le premier article de cette nouvelle section, même si c’est une « republication », concernera l’importance du premier chapitre.
On a beau dire que l’histoire doit être régulière et vous aurez beau mettre toute votre énergie dans chaque chapitre de votre manuscrit, ce sera la qualité du premier qui scellera votre destin (enfin, plus ou moins). Ce sont souvent les premières lignes qui décident si vous serez publié ou non.
Il y a un moment, j’avais lu sur Internet l’interview d’un ancien stagiaire de grande maison d’édition (je ne me rappelle pas le nom de la personne, ou alors je n’ai pas spécialement cherché à m’en souvenir, mais dans l’immédiat, peu importe). Il disait que le premier critère de sélection était de voir si l’auteur avait respecté les conditions d’envoi du manuscrit (plus précisément, la mise en page désirée par l’éditeur ou encore s’il ne s’était pas trompé de collection). Une fois ce problème réglé, il décidait souvent si le manuscrit méritait d’être transféré à son supérieur dès les premières pages. Oui, parce que dans le monde magique de l’édition, il arrive souvent, du moins dans les plus grandes maisons, que votre manuscrit passe d’abord par le sous-fifre avant d’atteindre directement le comité de lecture. Voire même le sous-fifre du sous-fifre. Vous pouvez aussi vous mettre le doigt dans l’œil jusqu’au coude si vous imaginez qu’il lit votre texte en entier. Avec la masse de travail, c’est impossible. Certains le font peut-être, cependant je doute que ce soit le cas des plus grands éditeurs. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Donc en résumé, si vous ne cognez pas dès les premières lignes, vous êtes à peu près certains de retrouver une gentille lettre tapuscrite dans votre boîte aux lettres quelques mois plus tard (et ça, c’est pour ceux qui daignent vous répondre).
Vous ne pourrez jamais savoir si votre manuscrit sera lu en entier. C’est impossible. Alors, autant assurer vos arrières en donnant envie audit sous-fifre de vous lire, de faire la fiche de lecture de votre roman avec un résumé, et de l’envoyer à son patron. C’est la seule solution. Vous devez absolument tout péter dès le départ. Je ne dis pas qu’il faut être négligent sur la suite, il y aura forcément des moments plus calmes, néanmoins si vous devez donner le meilleur de vous-même, c’est dans le premier chapitre.
Il y a plusieurs solutions. Certains d’entre vous auront peut-être prévu une introduction pour expliquer le contexte. Je ne pense pas que ce soit absolument nécessaire, car vous devriez être capable d’expliquer le fonctionnement de votre univers au fur et à mesure de votre récit, surtout si votre personnage découvre l’univers en question en même temps que le lecteur. Cela peut-être un peu stressant de commencer son histoire sans avoir expliqué le contexte, surtout si votre personnage principal est déjà bien installé dans votre univers, mais je ne suis pas certaine que commencer un manuscrit par trois pages de descriptions et d’explications soit la meilleure façon de faire. En tant que lectrice, je sais que c’est quelque chose que je n’aime pas particulièrement. Se perdre dans un flux d’informations sans qu’il se passe quoique ce soit, ça a tendance à plomber votre récit dès le départ. Si vous voulez éviter cela, je peux vous proposer plusieurs solutions :
- Si votre personnage est déjà bien installé dans son monde, introduisez un personnage secondaire qui lui, le découvre. Votre personnage sera alors « obligé » de présenter son monde à cet autre personnage, au fur et à mesure que l’histoire avance, et donc, au lecteur.
- De la même façon, sans personnage secondaire cette fois, vous pouvez vous laisser aller dans le contexte et la description de votre monde au fur et à mesure que votre personnage progresse dans l’histoire. Par exemple, si votre histoire comprend plusieurs créatures surnaturelles, ne cherchez pas à les lister dès les premières pages. Contentez-vous de dire qu’il y a toutes sortes de créatures, et ne vous penchez au cas par cas que si votre personnage rencontre effectivement l’une de ces créatures lors de ses aventures. Ça ne sert à rien de décrire quelque chose qui n’est pas sous les yeux du lecteur au moment où l’action se passe.
- Si vraiment vous ne pouvez pas vous débarrasser de cette description du contexte, vous pouvez la jouer fine en la déplaçant vers le second ou le troisième chapitre, lorsque par exemple le héros aura « survécu » aux péripéties du premier chapitre, et que sa vie reprendra un cours plus ou moins normal ou qu’il aura un peu de temps pour se lancer dans une petite introspection. C’est ce que j’ai fait par exemple avec Myria 1.
Un autre point à évoquer, est justement, le personnage principal. Au récit à la première personne, cela ne devrait pas trop causer de soucis, mais un peu plus si vous vous lancez dans la troisième personne.
En effet, votre personnage principal doit apparaître rapidement dans l’histoire. Pourquoi ? Parce que si vous commencez votre récit avec d’autres personnages, le lecteur s’attachera à eux en premier, et il aura peut-être du mal à gérer le changement. Il ne comprendra pas pourquoi d’un seul coup vous partez sur quelqu’un d’autre. Pire, il pourrait même préférer le premier personnage que vous avez évoqué et mépriser complètement le vrai héros. Bon, cela ne posera pas trop de problèmes si l’autre personnage que vous évoquez meurt rapidement, ou si vous avez décidé de faire un récit avec plusieurs personnages principaux, mais à moins de s’appeler George R. R. Martin, ce procédé de « multi-héros » ou « multi-histoires » reste assez compliqué à mettre en place (surtout pour un premier roman).
Toujours sur le premier personnage, ne vous sentez absolument pas obligé de raconter toute sa vie et tout son passé dès les premières pages. À nouveau, vous risquerez de vous perdre dans le flux d’informations inutiles qui tuent l’action. Concentrez-vous sur les informations nécessaires par rapport à ce qu’il se passe dans l’action du chapitre. Décrivez rapidement son allure, ainsi que son boulot si jamais l’action du premier chapitre est liée à ça. Pas la peine de se lancer dans la description de chaque petite ride ou petite cicatrice, sauf si encore une fois, cela fait partie de l’action. Vous aurez grandement le temps de vous focaliser sur ce genre de choses pendant le reste de récit. Autre chose, pensez à parler de son caractère. Même s’il ne faut pas se perdre dans les informations inutiles, son caractère n’en est pas une. Le lecteur – ou le sous-fifre – doit savoir rapidement à quel genre de personne il a à faire. Pas la peine de faire dans le compliqué. Si votre type ou nana est drôle ou caractériel, réglez le problème avec une petite réplique bien placée. Quitte à la placer en toute première ligne pour mettre directement dans l’ambiance et donner un peu de punch (ça aussi, vous pouvez le trouver dans Myria. Dans chaque roman de la série, en fait).
Comme je vous l’ai dit plus haut, tout se joue souvent au premier chapitre. Il y a des éditeurs qui ont le courage de tout lire (bon, il n’y en a pas des masses non plus, mais ça arrive), cependant, ce n’est pas une raison pour se laisser aller. Il faut non seulement penser à l’éditeur, mais aussi au futur lecteur. Car le premier chapitre compte également pour ce dernier. Quand un acheteur se rend dans une librairie ou une boutique en ligne, il regarde la couverture, puis la 4ème de couverture, et surtout, il lit les premières lignes. En boutique, il feuillette les premières pages. Pour un achat en ligne, il se précipitera sur un extrait du premier chapitre si l’éditeur l’a rendu disponible (c’est par exemple souvent le cas sur Amazon). Et vous pouvez être sûr à 100% que ce sera cet extrait qui jouera sur la décision finale.
Alors, autant faire les choses correctement, non ?